Pourquoi la souveraineté numérique est décisive pour le secteur public

Alain Garnier revient sur la nécessité pour les institutions publiques de se tourner vers des solutions collaboratives souveraines afin de se libérer de leur dépendance aux outils américains et des risques qui en découlent.

Pourquoi la souveraineté numérique est décisive pour le secteur public

Dans sa nouvelle tribune, Alain Garnier aborde une question essentielle : à qui confions-nous réellement les clés du numérique public ? Face à la dépendance croissante aux solutions étrangères, l’entrepreneur appelle les institutions publiques à reprendre le contrôle de leurs outils numériques, en s’appuyant sur un écosystème souverain, déjà établi et capable de garantir leur sécurité, leur autonomie et leur résilience.

Depuis des années, le secteur public français a entamé sa mue numérique. Dématérialisation des services, portails citoyens, digitalisation interne des processus, open data, télétravail, intelligence artificielle… Les chantiers ne manquent pas. Mais au milieu de cette transformation accélérée, une question reste trop souvent évitée, voire taboue : sur qui repose vraiment la chaîne de confiance ?

C’est pourtant l’essentiel. Car un hôpital, une mairie, un rectorat ou une préfecture, ce n’est pas une entreprise comme une autre. Ce sont les bras et les jambes de la République. Et quand ces institutions deviennent dépendantes d’outils numériques qu’elles ne maîtrisent pas — ni dans leur code, ni dans leur hébergement, ni dans leurs règles de gestion — c’est toute notre souveraineté collective qui vacille.

On ne parle pas d’un vague réflexe souverainiste. On parle d’indépendance, de sécurité, de continuité de service. Et surtout : de capacité à décider par soi-même, pour soi-même.

La dépendance du secteur public aux solutions américaines
Le secteur public a entamé sa transformation numérique depuis des années… mais reste encore fortement dépendant des solutions américaines.

Les risques bien réels de l’abandon de souveraineté

La perte de contrôle

La première menace, c’est la perte de contrôle sur les données publiques. Trop souvent, les outils utilisés dans les collectivités — messageries, agendas, applications RH, plateformes de visio, GED… — sont opérés par des entreprises américaines. Ces entreprises, même quand elles hébergent leurs données en Europe, restent soumises au Cloud Act : une loi fédérale américaine qui autorise les autorités US à exiger l’accès à des données hébergées par des entreprises américaines. Que ces données soient celles de citoyens français n’a pas d’importance : la France n’a pas son mot à dire.

Cela signifie qu’un fichier RH, un diagnostic social, ou un compte-rendu interne d’une mairie ou d’un hôpital, peut potentiellement être accessible à une puissance étrangère. Pas demain. Déjà aujourd’hui.

 

La dépendance technique

Deuxième danger : la dépendance technique. Quand les outils du quotidien sont tous issus du même écosystème — souvent GAFAM — on se retrouve pieds et poings liés. Une mise à jour imposée ? Une hausse tarifaire brutale ? Une suppression de service ? Vous subissez… et vous vous adaptez. Parce qu’il n’y a pas d’alternative installée.

Et cette dépendance se paie cher. En perte d’autonomie. En rigidité. En stress aussi, pour les équipes techniques locales, qui deviennent des sortes d’opérateurs de solutions qu’ils ne peuvent ni modifier, ni questionner, ni réparer.

 

La (dé)croissance française

Enfin, troisième angle mort : l’appauvrissement du tissu numérique local. La commande publique, c’est un levier économique puissant. Lorsqu’elle est monopolisée par des entreprises extra-européennes, ce sont autant d’opportunités de développement, d’emplois et d’innovation locale qui disparaissent. Résultat : les pépites françaises galèrent, pendant que les géants américains accumulent les contrats.

 

L'abandon de la souveraineté numérique
L’abandon de la souveraineté numérique entraîne de nombreuses conséquences dont la perte des données publiques, la perte d’autonomie et l’appauvrissement du tissu numérique local.

La tentation du repli : comprendre… mais dépasser

Dans ce contexte, on comprend la tentation grandissante, dans les collectivités, de revenir à l’hébergement interne. “On va tout héberger chez nous, comme avant. Au moins, on sait où c’est, qui y a accès, et on n’est pas dépendants.”

Ce réflexe est humain. Il rassure et donne l’illusion de reprendre le contrôle.

Mais il est aussi dangereux.

Car héberger chez soi n’est pas synonyme de souveraineté, c’est un acte d’isolement. L’infrastructure physique n’est qu’une partie du problème. La vraie question est :

  • Qui gère le code ?
  • Qui fait les mises à jour ?
  • Qui intervient à 3h du matin en cas de faille de sécurité critique ?
  • Et surtout : quelle est la capacité de votre équipe à suivre le rythme d’innovation, de veille, de maintenance, dans un monde numérique ultra-dense ?

Là où un Cloud bien conçu, mutualisé, audité, maîtrisé peut garantir sécurité, agilité et économie d’échelle, l’on-premise isolé finit souvent par coûter plus cher… pour un niveau de service moindre.

Le Cloud ? Oui. Mais pas n’importe lequel.

Il ne s’agit pas de rejeter le Cloud. Il s’agit de choisir un Cloud souverain, de confiance, opéré localement. Pas un Cloud maquillé. Pas un “partenaire européen” financé par des capitaux américains. Pas un “hébergement en France” sans garanties juridiques solides.

La bonne nouvelle ? La France progresse rapidement.

Avec le Comité Stratégique de Filière (CSF) Solutions Numériques de Confiance, lancé en 2022, un véritable écosystème souverain se structure. Ce CSF réunit plus de 350 acteurs français — éditeurs, hébergeurs, intégrateurs, chercheurs — autour d’une ambition commune : bâtir une filière numérique indépendante, performante, interopérable.

Et il ne s’agit pas d’un vœu pieux.

La filière pèse déjà plus de 25 milliards d’euros de chiffre d’affaires, avec des projets concrets : CollabNext pour la bureautique souveraine, NumSpot pour le Cloud de confiance, des plateformes collaboratives comme Jamespot, des solutions de cybersécurité comme Wallix ou CleverCloud.

Bref : l’alternative est là. Solide, active et gagnant de plus en plus de terrain.

Le projet CollabNext
Le projet CollabNext est issu de l’appel à projets France 2030 et vise à proposer une solution souveraine, sécurisée et capable de remplacer l’intégralité des outils américains en entreprise.

La cybersécurité : angle mort devenu urgence

Il suffit de jeter un coup d’œil à l’actualité pour comprendre l’enjeu. Hôpitaux, collectivités, mairies, établissements scolaires : les cyberattaques ne cessent de se multiplier. Parfois sophistiquées, souvent opportunistes, mais toujours dévastatrices.

Et dans bien des cas, ces attaques ciblent des failles connues, non corrigées, ou exploitent des dépendances à des prestataires trop opaques. La réponse ne peut pas être uniquement technique. Elle est aussi politique : reprendre le contrôle sur ses outils, ses flux, ses données.

Dans ce contexte, la souveraineté devient un bouclier numérique. En travaillant avec des acteurs français, auditables, présents sur le territoire, les collectivités renforcent leur capacité de réaction, leur réactivité en cas d’incident, et leur résilience face à des menaces de plus en plus structurées.

Si vous êtes une collectivité, je vous recommande l’article suivant afin de découvrir comment protéger votre collectivité contre les cyberattaques.

Les cyberattaques visant le secteur public
En 2024, l’ANSSI a traité 218 incidents cyber concernant principalement des communes et établissements publics de coopération intercommunale, mais aussi des départements et régions

L’intelligence artificielle : ne pas répéter les erreurs du passé

Un autre tournant approche : celui de l’intelligence artificielle. Traitement des courriers entrants, analyse de données sociales, rédaction de documents types, pilotage RH… L’IA peut transformer la gestion publique. Mais à une condition : qu’elle soit mise au service de l’intérêt général et pas d’un intérêt privé algorithmique.

Si les collectivités se contentent d’utiliser des IA américaines, entraînées sur des corpus opaques, intégrées dans des solutions fermées, elles répèteront les erreurs du passé et aboutiront aux mêmes conséquences : Dépendance, absence d’auditabilité, biais et captation de la valeur.

À l’inverse, si elles privilégient des IA souveraines, entraînées sur des données publiques, respectueuses du RGPD, elles seront alors en mesure de construire une véritable intelligence collective augmentée.

👉 C’est tout l’enjeu que nous développons ici : L’IA dans les outils collaboratifs : promesses et vigilance.

L’exemple du GHT Bourgogne

Pour sortir des grandes idées, prenons un exemple très terre-à-terre : le Groupement Hospitalier de Territoire de Bourgogne Meridionale (GHTBM). Ce groupement a déployé un outil de communication interne souverain, interopérable et totalement maîtrisé, pour connecter les agents hospitaliers entre plusieurs sites, sans dépendre de solutions américaines.

Le résultat ? Plus de réactivité, une meilleure diffusion de l’information, une gouvernance claire des données et une réduction des emails internes de 40 %. Mieux : l’outil a été co-construit avec les utilisateurs, et peut évoluer au fil du temps.

Hôpital, communication et souveraineté

Découvrez le projet du GHT Bourgogne et comment ce groupement hospitalier a déployé un outil de communication interne souverain, interopérable et totalement maîtrisé, pour connecter les agents hospitaliers entre plusieurs sites.

Découvrir le projet du GHT Bourgogne

Le projet du GHT Bourgogne

Conclusion : il est temps de trancher

On peut continuer à tergiverser. Continuer à penser que les solutions souveraines sont trop chères, trop lentes, trop complexes. Mais pendant ce temps, la dépendance se renforce, les failles s’accumulent, et les marges de manœuvre se réduisent.

Ou bien on peut décider.

Décider de soutenir des solutions construites ici, pour nous. Décider de reprendre la main sur nos données. Décider de traiter le numérique comme un bien commun plutôt que comme un simple achat technique.

Certaines collectivités ont déjà fait le choix. D’autres hésitent. Mais le cadre est prêt. Les acteurs sont là. Et les outils sont mûrs.

Il ne reste qu’à passer à l’acte.

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Alain Garnier

Entrepreneur en série, Alain Garnier fonde la société Jamespot en 2005 avec comme ambition de replacer l'Humain au coeur des systèmes d'informations.